Un renouveau pour la signature électronique ?

Posté par: Franchising Belgium

Maître Dimitri de Sart, DS Avocats

Bien que la signature électronique ne soit pas un procédé nouveau en droit belge, la section 4 du règlement européen du 23 juillet 2014 (n° 910/2014) – instaurant également l’utilisation du recommandé électronique (voir aussi l’article « Le recommandé électronique comme solution aux écueils du recommandé papier« ) – ne manquera pas d’engendrer un nouvel essor pour la signature électronique.

L’assimilation du recommandé électronique au recommandé papier passe en effet nécessairement par l’utilisation d’une signature électronique dite qualifiée. La signature électronique est loin d’être un procédé unique et homogène. Ainsi, il existe plusieurs types de signatures électroniques, présentant chacune des particularités spécifiques quant à leurs modalités de fonctionnement, leur appréciation en droit belge ou leur valeur probatoire.

***

La signature manuscrite, acte courant par excellence dans le monde des affaires, remplit concomitamment plusieurs fonctions :

– identifier son auteur,
– signifier l’adhésion de son auteur au contenu de l’acte,
– authentifier l’acte signé par la signature manuscrite (unique et non reproductible),
– assure l’intégrité du document,
– attribuer à un document le statut d’« original »

Suite à l’adoption de la Directive 1999/93/CE du 13 décembre 1999 portant sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, le législateur belge a introduit l’article 1322 al. 2 du Code civil, autorisant l’assimilation d’une signature électronique à une signature manuscrite dans les termes suivants :

« Peut satisfaire à l’exigence d’une signature, pour l’application du présent article, un ensemble de données électroniques pouvant être imputé à une personne déterminée et établissant le maintien de l’intégrité du contenu de l’acte ».

Cette disposition permet de soumettre la valeur probatoire d’un document électronique à la libre appréciation des tribunaux, sans que ceux-ci ne puissent le rejeter au seul motif qu’il s’agit d’un document électronique (principe de non-discrimination).

Il existe néanmoins différents types de signature électronique dont la valeur probatoire est différente en fonction du type de signature électronique utilisée (principe d’assimilation).

I. Types de signature électronique

Le choix d’un type particulier de signature dépend de l’utilisation que vous comptez faire cette signature électronique:

– La signature électronique simple est suffisante pour une application ne demandant pas une sécurité élevée.
– La signature électronique « avancée »: elle doit être liée uniquement au signataire, permettre l’identification du signataire, être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif et être liée aux données auxquelles elle se rapporte de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectée.
– La signature électronique « qualifiée »: c’est une signature électronique « avancée » réalisée sur la base d’un certificat qualifié, et conçue au moyen d’un dispositif sécurisé de création de signature électronique. La signature électronique qualifiée présente le niveau de sécurité le plus élevé défini actuellement au niveau européen.

Peu importe le mode de signature utilisé, en application du principe de non-discrimination , « (U)ne signature électronique ne peut être privée de son efficacité juridique et ne peut être refusée comme preuve en justice au seul motif :

-que la signature se présente sous forme électronique, ou,
-qu’elle ne repose pas sur un certificat qualifié, ou qu’elle ne repose pas sur un certificat qualifié délivré par un prestataire accrédité de service de certification, ou qu’elle n’est pas créée par un dispositif sécurisé de création de signature. ».

Le juge qui se trouve en présence d’une signature électronique « simple » ne peut donc d’emblée écarter celle-ci, en raison de sa caractéristique électronique, mais il a l’obligation de vérifier, en cas de contestation, si, dans le cas d’espèce, la signature invoquée, présente les caractéristiques répondant aux besoins fonctionnels essentiels de la signature. Sur la base de cet examen, il peut donc, au cas par cas, retenir ou écarter la signature électronique. Cet examen consiste à vérifier si les moyens technologiques utilisés garantissent l’application effective des fonctionnalités essentielles de la signature, y compris l’intégrité de l’acte. Si cet examen est négatif, la prétendue signature n’en est pas une et le juge devra donc l’écarter comme telle, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une vérification d’écriture.

La signature électronique qualifiée quant à elle est intimement liée au mécanisme de certification. L’idée de base de la certification est que la confiance des utilisateurs ne pourra s’instaurer que si les transactions électroniques sont garanties par un tiers neutre. Celui-ci pourra attester de l’existence, de la date ou du contenu d’une communication (que ce soit par courrier électronique, par fax ou tout autre procédé de communication). En Belgique, cette qualification peut être réalisée au travers de la carte d’identité électronique qui dispose d’un système d’authentification forte.

En application du principe d’assimilation, la signature électronique qualifiée entraînera une présomption d’assimilation à la signature manuscrite. La présomption renversée par la partie qui en conteste la validité, le juge retrouvera son pouvoir d’appréciation et pourra déterminer si le mécanisme proposé constitue à suffisance une signature valable .

II. Force probatoire de la signature électronique : synthèse

De ce qu’il a été exposé au-dessus, il convient de retenir que :

– L’utilisation d’une signature électronique qualifiée telle que la carte d’identité électronique entraîne son assimilation à une signature manuscrite ;
– les autres mécanismes invoqués à titre de signature électronique ont une force probante externe moindre et le juge apprécie leur valeur probante (le cas échéant après expertise). Si l’examen est satisfaisant, ces signatures sont également assimilées à des signatures manuscrites et feront foi, sauf dénégation du signataire (C. civ., art. 1323) ;
– le mécanisme technologique qui ne répond pas aux conditions de la signature qualifiée et dont la valeur probante est insuffisante pour convaincre le juge de sa validité n’est pas réellement une signature et l’acte qu’il revêt ne peut être considéré comme un acte sous seing privé.

***

Bien que la signature électronique peine à séduire les entreprises, la dématérialisation est au cœur de l’économie numérique.

Si le tournant numérique a déjà été amorcé depuis de nombreuses années, les réglementations européennes adoptées aujourd’hui apportent une nouvelle impulsion à ce tournant et il conviendra pour les franchiseurs de ne pas le rater.

Il convient également de l’appréhender dans le cadre de la gestion électronique de documents (GED) qui tend à se généraliser dans les réseaux de franchise et dont l’impact en termes d’économie et de compétitivité a déjà été démontré.

Maître Dimitri de Sart, DS Avocats

[1] Le contenu de cette Directive a été repris en grande partie dans la section 4 du chapitre 3 relative à la  signature électronique du règlement européen n°910/2014 du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance
[2] Article 2.1. de la loi du 9 juillet 2001.
[3] Article 2.2 de la loi du 9 juillet 2001.
[4] Combinaison des articles 2.2 et 4 §4 de la loi du 9 juillet 2001.
[5] Article l’article 4, par.5 de la loi du 9 juillet 2001 ; Mougenot, D., « Preuve », Rép. not., Tome IV, Les obligations, Livre 2, Bruxelles, Larcier, 2012, n° 122-1.
[6] Pour définir ces besoins fonctionnels, il doit à se référer soit à l’article 1322, alinéa 2 du Code civil, soit à l’article 4, 4 de la loi du 9 juillet 2001.
[7] Pierre VAN OMMESLAGHE, Incidence des nouvelles technologies de la communication sur le droit commun des obligations
[8] Mougenot, D., « Preuve », Rép. not., Tome IV, Les obligations, Livre 2, Bruxelles, Larcier, 2012, n° 122-2.
[9] ibidem
[10] Mougenot, D., « Preuve », Rép. not., Tome IV, Les obligations, Livre 2, Bruxelles, Larcier, 2012, n° 122-3.