Prévenir et résoudre les conflits dans le cadre des contrats de franchise

Posté par: Franchising Belgium

Maître Alexander Hansebout, Altius

Dans le cadre des relations commerciales, il est nécessaire de traiter les conflits, ou les conflits potentiels, de façon réaliste et raisonnable.

Afin d’éviter les conflits dans le cadre des contrats de franchise, il est important de :
– dès le départ, faire part des attentes de chacun et de les examiner mutuellement ;
– durant la collaboration, bien communiquer de façon ouverte ;
– reconnaître et anticiper les conflits à temps ; et
– résoudre les éventuels conflits de façon rapide, efficace et créative.

Attentes

Dès avant le début d’une collaboration commerciale, les parties ont des attentes déterminées. Le franchisé s’attend, par exemple, à ce que le franchiseur mette à sa disposition une formule et lui fournisse une assistance de sorte qu’il atteigne le seuil de rentabilité et qu’il dégage même des bénéfices le plus rapidement possible. Le franchiseur s’attend, pour sa part, au travers de la mise à disposition de sa formule, à acquérir des parts de marché et à percevoir des redevances.
Il est nécessaire de bien communiquer à propos de ces attentes mutuelles. Cela est essentiel dans le processus de recrutement du franchiseur, mais cela est également important pour le franchisé. Le franchiseur offre-t-il ce que le franchisé recherche ? Le franchisé est-il la personne adéquate sur le territoire pour lequel le franchiseur cherche à s’implanter ?
L’échange d’informations est crucial à cet égard. Il y a, notamment, lieu d’avoir égard à la formule, aux redevances qui seront dues en échange, à l’assistance qui sera offerte par le franchiseur, à la participation dans la stratégie de marché, etc.
Le but doit être d’instaurer de la confiance de façon à ce qu’un contrat puisse être conclu. Tôt ou tard, une situation nécessitant la vérification de la réalité des informations ainsi échangées surviendra d’ailleurs. C’est à ce moment qu’un conflit pourrait naître concernant des attentes non-exprimées.

Information précontractuelle

Le législateur est intervenu dans ce processus d’expression des attentes et de négociation, et a contraint le franchiseur à mettre à la disposition des futurs franchisés un certain nombre d’informations déterminées.
D’abord et avant tout, le franchiseur doit présenter un projet de contrat. En sus de ce projet de contrat, le franchiseur doit également mettre à la disposition des futurs franchisés un document d’informations distinct, et ce sur un support durable.
Ce document d’information précontractuelle (DIP) doit contenir deux parties :
La première partie contient les dispositions contractuelles importantes. Cela concerne notamment les engagements des parties, les conséquences d’une faute, les redevances qui vont devoir être payées par le franchisé, une clause de non-concurrence, les conditions relatives à la terminaison du contrat, etc.
La seconde partie doit permettre aux futurs franchisés d’évaluer correctement la collaboration commerciale. Cela concerne les données économiques et commerciales qui sont nécessaires afin d’évaluer la valeur de la formule, telles que, notamment, l’expérience du franchiseur concernant l’exploitation de la formule, les informations concernant le marché sur lequel la formule est exploitée (global et local) et des informations sur les charges et investissement à l’égard desquelles le futur franchisé s’engage.
Il est important de préciser que le franchisé doit bénéficier d’une période d’un mois afin de réfléchir à tout ceci. Durant ce mois, le contrat ne peut être conclu. Tout au plus pourrait être conclu un « accord de confiance ». Le but est de permette au futur franchisé de prendre connaissance, à son aise et sans pression, de ces informations et d’évaluer s’il désire, sur base de ces informations, conclure le contrat.
Dans le cas où ces conditions n’auraient pas été respectées, le contrat pourra être déclaré nul.

Le Contrat

Dans le cadre de la prévention des conflits, quelques remarques générales doivent être formulées concernant le contrat de franchise.
Le point principal sur lequel il convient d’attirer l’attention est le fait que les parties doivent conclure un contrat clair et réaliste. Des dispositions qui ne seraient pas claires ou réalistes donneront, en fin de compte, inévitablement naissance à des frustrations et à des conflits. Les parties ne doivent pas se perdre dans des détails, mais ne doivent pas non plus se limiter aux aspects juridiques de la collaboration. Les aspects pratiques ont une importance au moins aussi grande. Par exemple : comment la commande et la livraison doivent-elles précisément se dérouler ? Quelles sont les conditions de garantie ? Comment la participation du franchisé va-t-elle être organisée ?
Partant, il n’est jamais recommandé d’adopter un contrat standard qui s’appliquerait à toutes les situations. De fait, chaque collaboration est nécessairement unique, dans une certaine mesure, et requiert des exigences spécifiques.
Et « last but not least » : il convient de laisser à l’autre partie un certain répit. L’objectif doit être de tendre vers un équilibre entre les parties. Un carcan trop sévère mènera à des rancœurs et à des conflits. Dans ce cadre, il peut être fait référence au « Code de Déontologie Européen de la Franchise », à l’élaboration duquel a contribué la Fédération Belge de la Franchise (http://www.fbf-bff.be/opportunites/code-de-deontologie-fbf/).

Exécution du contrat

Une fois le contrat conclu, celui-ci doit être exécuté. Afin d’éviter les conflits, il est essentiel de respecter le contrat. Il convient, par ailleurs, idéalement d’être attentif au fait que l’autre partie respecte également le contrat. Reprocher au cocontractant une inexécution à la moindre déviation par rapport aux dispositions du contrat est, il est vrai, excessif, mais communiquer à propos de ces possibles problèmes peut prévenir la survenance de nombreux conflits.
Si quelque chose n’est pas prévu dans le contrat ou si les circonstances (de marché) viennent à changer, le contrat peut être adapté. Ceci est souvent oublié. Renégocier ou compléter le contrat peut permettre de prévenir les conflits. Il est ainsi, par exemple, criant de voir qu’il existe, au jour d’aujourd’hui, encore des contrats qui ne prévoient rien concernant la vente en ligne.
Lorsqu’une question, à l’égard de laquelle rien n’est prévu dans le contrat, se pose, les parties doivent se comporter de bonne foi. La communication et la compréhension de la situation et des intérêts de chacun est, à cet égard, primordiale en vue d’éviter les conflits.

Survenance d’un conflit

Même s’il a été tenu compte de ce qui précède, des conflits peuvent néanmoins survenir. Les conflits sont d’ailleurs présents de façon latente et inhérente dans les relations de franchise. Le franchisé et le franchiseur ont en effet des intérêts distincts. Donnons un exemple concret : le franchiseur a souvent comme intérêt de voir croître le chiffre d’affaires du franchisé, puisqu’il pourra, dès lors, percevoir des redevances plus élevées. Le franchisé a, pour sa part, plutôt comme intérêt de voir grandir sa marge bénéficiaire. Ces deux objectifs ne sont pas toujours concordants. Par conséquent, il convient de constater et de maîtriser ces divergences à temps.
Dans un conflit, une phase émotionnelle est souvent observée, durant laquelle chacune des parties se forge une perception déterminée de l’autre partie. L’atmosphère change et des sentiments négatifs naissent à l’égard les uns des autres. Ceci est une phase dangereuse, car une spirale négative peut s’installer avec pour conséquence la diminution de la communication et de la confiance mutuelle.
Ultérieurement, le conflit devient ouvert. Celui-ci peut être passif ou actif / agressif. Une partie va, par exemple, systématiquement formuler des remarques ou annuler des réunions. Des actions agressives, telles que des situations dans lesquelles le franchisé commence à vendre des produits d’une marque concurrente ou dans lesquelles le franchiseur ouvre un nouvel établissement dans les environs du franchisé, doivent absolument être évitées.
Un conflit pourra bien mieux être résolu avant que celui-ci ne connaisse une escalade.

Résolution d’un conflit

Afin de résoudre un conflit, il convient tout d’abord de le cibler et de le définir. Il convient à cet égard de ne pas rester obnubilé par les symptômes, mais bien de rechercher le cœur du problème. Un franchisé pourrait ainsi se plaindre du manque d’assistance qu’il reçoit ; tandis que le franchiseur pourrait se plaindre de l’insuffisance des efforts du franchisé ou du non-respect de la formule. Dans de tels cas, le cœur du conflit peut être une vision différente concernant la stratégie commerciale la plus appropriée.
Il convient alors de réfléchir à une solution. La créativité n’est pas interdite. Un conflit entre un franchisé et un franchiseur peut offrir la possibilité d’ajuster la formule ou de développer une nouvelle stratégie pour l’ensemble du réseau.
Afin de résoudre réellement un conflit, il est important que la solution émane de l’ensemble des parties. La solution ne peut être imposée. Il doit s’agir d’un compromis. Si tel ne devait pas être le cas, il y a de fortes chances que le conflit continue de grandir de façon sous-jacente et éclate à nouveau au grand jour en cas de nouveau problème.
Si une solution a été trouvée, celle-ci doit naturellement être implémentée et son exécution doit être contrôlée.

Impasse – externalisation

Le franchisé et le franchiseur sont bien souvent en mesure de trouver, via des négociations, une solution mutuellement acceptable. L’intervention des avocats peut être utile à cet égard, afin d’examiner et de déterminer la solution sur le plan juridique.
Si ceci devait échouer, il existe un certain nombre d’autres manières de résoudre les différends.
La médiation, c.-à-d. le processus par lequel un tiers neutre assiste les parties afin de trouver une solution, est bien souvent une manière rapide et efficace (en termes de coûts) d’atteindre une solution. Le médiateur est formé à toute une série de techniques afin de déminer la situation, de faire abstraction des émotions et de laisser les parties se rapprocher en fonction de leurs intérêts mutuels.

Si cela ne devait vraiment pas fonctionner, il n’y a alors plus d’autre choix que d’initier une procédure devant les tribunaux de l’ordre judiciaire ou de débuter une procédure d’arbitrage. Dans le cadre de telles procédures, un juge ou une personne privée indépendante va émettre un jugement sur le différend. Ceci peut être moins favorable, dès lors que les parties n’ont, dans ce cas, pas choisi elles-mêmes la solution.

 

Alexander Hansebout
ALTIUS

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