Les conséquences de la nullité du contrat de franchise

Posté par: Franchising Belgium

Maître Marc Geron, Rikkers Avocats

Les conséquences de la nullité du contrat de franchise : Quelles sont les restitutions à prévoir ?

Le Tribunal de Commerce de Liège a rendu un jugement le 27 février 2017, qui a fait récemment l’objet d’une publication dans la Revue de Droit Commercial belge/Tijdschrift voor Belgisch Handelsrecht de novembre 2017 (p.1014 et suivantes).

La décision présente un intérêt en ce que le Tribunal statue sur les conséquences de la nullité du contrat de franchise et les restitutions réciproques qui en découlent.

Pour rappel, la loi sur l’information précontractuelle (livre 2 du titre X du Code de Droit Economique) prévoit que la nullité du contrat de franchise peut être demandée et prononcée lorsque le projet de contrat et/ou le document d’information précontractuelle (DIP) contenant les données juridiques et économiques, n’ont pas été communiqués au moins un mois avant la conclusion du contrat et/ou que durant ce délai d’un mois, des obligations ont été imposées au franchisé (sauf les obligations prises dans le cadre d’un accord de confidentialité (article X.30 alinéa 1).

La nullité peut également être demandée et prononcée, sur base du droit commun en matière de vices de consentement si l’une des données économiques du DIP est manquante, incomplète ou inexacte (article X.30 alinéa 3).

Si la nullité est prononcée, quelles seront les conséquences ?

La nullité du contrat impose que les parties soient remises dans l’état antérieur à ce contrat, ce qui engendre des obligations de restitution réciproques. L’annulation opère en effet avec effet rétroactif.

Dans le cas soumis au Tribunal de Commerce de Liège, trois demandes de restitution ont été formulées par le franchisé : il s’agit du droit d’entrée, des commissions mensuelles (pourcentage calculé sur le chiffre d’affaires du franchisé) et enfin les commissions indirectes perçues par le franchiseur sur les achats du franchisé réalisés auprès de fournisseurs imposés.

Ces demandes ont toutes été déclarées non fondées par le Tribunal.

  1. En ce qui concerne le droit d’entrée et les commissions mensuelles

Le Tribunal dit que ces sommes sont la contrepartie de l’assistance et de la formation reçue par le franchisé, du bénéfice de la notoriété du nom du franchiseur dont a bénéficié le lancement du point de vente et enfin de l’accès aux différentes recettes du franchiseur (il s’agissait d’une franchise portant sur la vente de sandwiches et de salades), recettes qui, si elles ne pourront être utilisées en tant que telles à l’avenir, pourraient être source d’’inspiration pour l’ancien franchisé dans le cadre d’une nouvelle activité similaire.

  1. En ce qui concerne les commissions indirectes perçues par le franchiseur sur les achats du franchisé réalisés auprès de fournisseurs imposés.

Cette demande est déclarée non fondée par le Tribunal qui estime que le franchisé ne démontre pas qu’il a dû payer un prix plus élevé du fait de l’existence de ces commissions indirectes: le Tribunal retient au contraire que le prix des différents articles commandés par le franchisé était négocié dans le cadre global de la franchise et que la force de négociation de ce groupe est par définition plus importante que celle qu’aurait pu avoir un seul franchisé face aux fournisseurs.

Observations :

La décision est très incontestablement favorable au franchiseur qui, suite à l’annulation du contrat, ne se voit pas imposer des restitutions financières en faveur du franchisé. Pour le Tribunal, le prononcé de la nullité du contrat de franchise ne peut être, à juste titre, une source d’enrichissement du franchisé.

Ce qui interpelle dans ce jugement, est que le Tribunal a retenu assez facilement, et sans que cela ne semble avoir fait l’objet de débats approfondis, que le droit d’entrée et les redevances mensuelles constituaient l’exacte contrepartie des prestations du franchiseur, reçues par le franchisé.

Or, dans une décision plus ancienne prononcée le 14 mai 2009 (publiée dans la revue DAOR 2009, p. 393), le même Tribunal de Commerce de Liège, après avoir prononcé la nullité du contrat, a condamné le franchiseur à la restitution de l’intégralité du droit d’entrée et, en ce qui concerne les redevances mensuelles, a ordonné une réouverture des débats en invitant le franchiseur à prouver l’accomplissement des prestations et leur valorisation qui, relevait le Tribunal, n’est pas nécessairement équivalente au montant facturé. Le Tribunal a également demandé au franchiseur de produire ses facturiers afin de statuer sur la demande de restituions de sur-commissions.

On retiendra également que la restitution partielle des sommes perçues par le franchiseur a été prononcées dans d’autres décisions (en ce sens, différentes décisions citées par P. KILESTE et N. GODIN, La sanction du défaut d’information précontractuelle dans les contrats de partenariat commercial, Journal des Tribunaux 2013, p. 829, et notamment une décision inédite du Tribunal de Commerce de Bruxelles du 18 septembre 2012).

Relevons enfin que dans le cas d’espèce, la demande du franchisé portait uniquement sur les trois postes cités ci-dessus. D’autres demandes de restitution sont envisageables, par exemple le sort des marchandises livrées, les frais tels que l’équipement informatique, les frais de publicité, mais également les investissements pour lesquels le franchisé n’aurait obtenu aucun retour (en ce sens Cour d ‘appel de Gand, 18 novembre 2013, RW 2013-2014, liv.30, p.1185).

Maître Marc Geron, Rikkers Avocats