Franchise : Territoire exclusif et vente par Internet

Posté par: Franchising Belgium

Maître Marie Canivet, CMS Debacker

A l’heure où le commerce électronique prend de plus en plus d’ampleur, il est indispensable de traiter de la question de la vente par Internet dans le contrat de franchise. Le commerce électronique est devenu une réalité incontournable qui doit être intégrée dans les réseaux de franchise sous peine de perdre du chiffre d’affaires et d’amoindrir la visibilité de l’enseigne.

La réglementation des ventes par internet dans le cadre du contrat de franchise doit prendre en compte la réglementation en matière de concurrence :
– dans le cadre d’un accord de distribution exclusive, le fournisseur pourra interdire les ventes actives lorsqu’elles visent un territoire réservé ou déjà concédé.
– dans le cadre d’une distribution sélective, le fournisseur ne peut interdire ni les ventes actives, ni les ventes passives.
La franchise constitue un mode de distribution qui réunit souvent les caractéristiques de la distribution exclusive (territoires exclusifs concédés) et de la distribution sélective (sélection des distributeurs, des points de vente et des caractéristiques des produits ou service).
Le droit de la concurrence ne prévoit pas de règles spécifiques concernant les restrictions de vente dans un contrat de franchise. Cependant, les lignes directrices rédigées par la Commission européenne destinées à servir de grille de lecture des principes relatifs à l’interdiction des accords anticoncurrentiels précisent que la combinaison de la distribution exclusive et de la distribution sélective sur un même territoire empêche au fournisseur d’interdire à son distributeur toutes ventes passives et actives sans exception possible.
La question se pose de savoir si cette double interdiction est applicable à la franchise.
En l’absence de réglementation particulière, certains considèrent que la franchise, si elle réunit les caractéristiques de la distribution exclusive et sélective, présente également des caractéristiques propres telles que le transfert du savoir-faire ou l’obligation d’assistance continue. Ces caractéristiques propres auraient pour conséquence de ne pas devoir appliquer les limitations afférentes à la distribution sélective.
D’autres, par contre, considèrent qu’en l’absence de règlementation spécifique de la franchise, le franchiseur ne pourrait interdire ni les ventes passive ni même les ventes actives.
Il convient donc d’être particulièrement prudent à cet égard.
La vente sur Internet étant une forme de vente passive, le franchiseur ne peut en tout état de cause interdire à son franchisé de recourir à la vente sur Internet. Une telle interdiction serait nulle et comporte le risque de voir annulé l’ensemble du contrat de franchise.
Si le franchiseur ne interdire à ses franchisés de vendre en ligne, il peut (doit) néanmoins encadrer cette liberté dans l’intérêt de son réseau.
Ainsi, le franchiseur peut notamment:
• Exclure les points de vente qui sont présents uniquement sur Internet et imposer un point de vente physique (« brick and mortar clause »)
• Imposer qu’un certain volume de produits (quantité absolue) soit vendu dans les points de vente physiques (mais sans pouvoir exiger que le pourcentage des ventes en ligne soit limité par rapport au volume global). Ce montant minimum peut être défini de manière commune pour tous les membres du réseau ou de manière individuelle en fonction des caractéristiques propres
• Attribuer au franchisé une redevance fixe pour soutenir les efforts de vente hors ligne du franchisé (c’est-à-dire une redevance qui ne varie pas en fonction du chiffre d’affaires réalisé hors ligne, ce qui équivaudrait indirectement à un système de double prix interdit)
• Imposer certains délais de livraison pour les ventes en ligne pour éviter que les franchisés ne promeuvent leurs produits sans avoir le stock disponible pour ce faire
• Imposer des exigences spécifiques concernant un service après-vente en ligne
• Imposer l’inclusion d’un lien vers les autres franchisés et/ou vers lui-même
• Imposer des délais de livraison relativement courts afin d’obliger le franchisé d’avoir suffisamment de stock et de subir les risques liés à ce stock.
• Imposer des normes de qualité et de promotion des produits sur les sites Internet comme il le ferait pour l’aménagement des points de vente physique. Ces normes doivent cependant être proportionnelles au regard de l’objectif visé, comparables à celles qui s’appliquent dans les points de vente physiques (elles peuvent être différentes mais équivalentes) et non susceptibles de vider, par leur caractère excessif, la vente par Internet de son contenu. Les normes de qualité peuvent recouvrir des exigences variées liées au caractéristiques des sites et à leur présentation, au référencement des sites, aux prestations de conseil et d’assistance qui doivent y être délivrées, aux prestations de services de livraison et d’après-vente, …
A titre d’exemples, le franchiseur pourrait ainsi exiger que le site internet du franchisé :
– satisfasse à une charte graphique déterminée par le franchiseur qui précise les couleurs, logo, le texte, les caractères, les polices, l’esthétisme ou l’ergonomie du site
– reprenne certaines informations telles que des « fiches produits » établies par le franchiseur qui contiennent, pour chaque produit, les informations complètes et les visuels afférents
– respecte toutes les normes de publicité établies par le franchiseur
– respecte certaines mentions précises
– prévoie un système de paiement sécurisé
– bénéficie d’un hébergement de qualité permettant une connexion rapide et limitant les interruptions impromptues
– ne soit pas accessible à travers un nom de domaine ou site tiers reprenant le nom ou l’enseigne d’une autre société
– prévoie un helpdesk et des équipes spécialement formées pour le services après-vente en ligne
– …
Face au droit pour les franchisés de vendre leurs produits en ligne et aux dangers que cela représente pour l’uniformité du réseau, certains franchiseurs décident de développer eux-mêmes une plateforme de vente commune pour tout le réseau.
Certes, une telle initiative ne permet pas d’interdire aux franchisés de développer leur propre site de vente en ligne. Néanmoins, si la plateforme commune développée est suffisamment attractive pour les franchisés, ces derniers ne seront pas incités à monter, à leurs frais, leur propre site de vente en ligne.
Eu égard à l’interdiction d’imposer des prix de vente aux franchisés (qui constitue également une cause de nullité du contrat), deux options sont envisageables :
– Soit les ventes en ligne sont conclues entre le franchisé et le client final : le franchisé doit être capable de fixer lui-même son prix de vente et donc d’entrer activement dans la plateforme.
– Soit les ventes en ligne sont conclues entre le franchiseur et le client final : dans ce cas, le franchiseur peut bien entendu fixer ses prix de vente. Afin que le système reste attractif pour les franchisés, le franchiseur pourrait convenir qu’une commission leur sera rétrocédée sur chaque vente (par exemple en fonction de l’adresse du client).
Maître Marie Canivet
CMS Debacker